Bonus Page – Photo Analogies #2

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Edouard Elias, with a Leica M7, by Chris Huby

Nous vous offrons en complément exceptionnel du numéro deux de la revue Photo Analogies l’entretien avec Edouard Elias en version longue // (Photo Analogies #2 – p.52-57)
As a special bonus of the printed magazine Pḧoto Analogies #2, we offer you the extended version of the interview of the photographer Edouard Elias // (Photo Analogies #2 – p.52-57)

Edouard Elias est un jeune photographe Francais qui a déjà beaucoup d’expérience et d’aventures à son actif… Il est passionné de photographie argentique et, malgré les nécessités de la modernité du travail de photographe dans les situations dans lesquelles il s’est trouvé, il garde une grande affection pour ce medium lent et (oui, c’est un parti-pris) magnifique. Il nous fait part de ses réflections sur la réalité du métier et partage des images de son premier voyage en Birmanie. Merci Edouard.

Photo Analogies #2, Edouard Elias interview
Photo Analogies #2, Edouard Elias interview

Edouard Elias is a young French photographer with already a lot of experience and adventures under his belt… He is passionnate about analogue photography and, in spite of the necessities of modernity in the work of photographer in the type of situations he finds himself, he keeps a real care and is stays very fond of this slow and magnificent (yes, this is biased) medium. Here he shares his thoughts on his job’s reality and also some images from his frist trip in Burma. Thanks you very much Edouard.

Interview : Edouard Elias pour BOP analogies #2 - 07/06/2014 - Paris

Te considères-tu comme photojournaliste ?
Je me considère avant tout comme photographe. Je suis venu au journalisme par amour pour la photographie. Pour moi c’est le cadre et l’image d’abord. J’ai donc une démarche de photographe plus que de journaliste. Je suis évidemment intéressé par la géopolitique et l’histoire, mais c’est la photo qui m’intéresse en premier. J’ai été élevé dans un milieu où on parlait d’histoire et de voyages. J’ai évolué là-dedans, là où il y a de l’humain. J’aime les gens, plus que les histoires.

Est-ce que la photo est une évidence dans le journalisme ?
Pour un bon rédacteur, non. Mais pour moi, ça me donne la légitimité d’aller en Syrie par exemple. Avec un appareil, j’ai une bonne raison d’y être. Donner un visage à ce qu’on peut entendre sur ce qu’il se passe là-bas. Montrer comment les gens arrivent à s’en sortir. Se retrouver accepté là-dedans… C’est un travail difficile. Mais c’est aussi ça qui est intéressant.

L’appareil photo n’est-il justement pas une barrière ?
Prendre une photo c’est prendre quelque chose à quelqu’un. En général, les gens n’aiment pas se faire photographier. On a le sentiment d’être un rapace. C’est vrai que parfois c’est gênant.

On peut imaginer que l’objet peut avoir un impact sur le sujet ?
Selon l’appareil évidemment. D’ailleurs avec certains reflexs on a l’impression de tenir un fusil. Mon grand-père me faisait faire un peu de tir quand j’étais gamin, quand on tient certains appareils, c’est quasiment la même position. Vous voyez le problème. Avec une chambre, on est obligé de discuter avec la personne, se mettre d’accord. Avec un appareil plus petit, qui fait moins de bruit, c’est une approche différente. Et de fait on peut beaucoup bouger, et c’est important pour moi car je m’incline toujours devant le sujet. Tout ça ce sont des approches différentes.

Tu aimerais plus faire du processus que du reportage ?
Oui, j’aimerais travailler à la chambre. J’adore le format. Je ne sais pas si je serais à l’aise d’ailleurs. En général j’aime me faire oublier par les gens, donc se retrouver au milieu de tout le monde avec une chambre… c’est un vrai théâtre de rue. Bon, je ne suis pas encore sûr d’être organisé sur du long terme pour l’instant. Je suis plus tranquille avec un petit appareil et mon instinct. Mais on verra…

Tu as des exemples de reportages ou de photographes connus que tu aimes et qui t’ont inspiré ?
Un jour je suis tombé sur les revues de RSF (Reporters Sans Frontières). Ils venaient d’éditer les 100 photos de magnum. Ca été le choc… Koudelka avec ses photos du Printemps de Prague, c’est impressionnant aussi. Mais j’adore aussi Marc Riboud, Natchwey. Eugene Smith. Larry Burrows… Après j’aime aussi Odermatt et Fujimoto…

Quelle est pour toi l’importance du cadrage ?
Il y a deux types de photographes qui partent sur le terrain. Il y a ceux qui vont juste passer juste l’information. Et puis il y a ceux qui se considèrent avant tout comme photographe. Du coup, les masses, la composition, tout ça c’est le cadrage et moi je pense qu’il n’y a que ça… Il y a les bases, mais il faut apprendre à s’en détourner. C’est ce que j’essaie de faire pour mon travail. Mais après le cadre, il y a surtout la lumière. La lumière c’est ce qui m’intéresse le plus… La direction et là d’où elle vient. Par exemple je regarde beaucoup le Caravage. Je trouve ça génial.

Quelle est ta position sur l’esthétisation ?
Qu’est ce qui marque quand on regarde un film ? La musique est là pour aider une séquence ou une scène. On a l’impression qu’elle est plus esthétique, qu’elle marque plus. Avec une image c’est un peu pareil. Quand elles sont plus travaillées, plus esthétiques, on les reconnaît, elles ont plus d’intérêt. Souvenez-vous de la photo d’Iwo Jima par exemple, on s’en souvient par ce qu’elle est juste bien faite. Les cadrages c’est ce qui est l’essentiel. Quand on est dans la guerre, on fait ce qu’on peut, on prend ce qu’on peut. Mais dans d’autres travaux, il faut aller chercher le travail.

Racontez-nous le contexte dans lequel vous êtes parti en Birmanie.
Nous sommes allés faire du reportage en Birmanie sur les sidéens en avril 2013. Parmi les choses que nous avons photographiées, il y avait les cliniques de MSF. Là on est à Rangoon. Certains ont la tuberculose. J’étais très mal à l’aise de rentrer avec mon Nikon D4. Gros machin, pas discret… Donc j’ai pris le M7 en argentique, pour faire un travail plus personnel. Non publiable à priori. Là c’était un sujet différent de la guerre. Avec de gens qui ne veulent pas se faire voir. Je suis donc parti dans la clinique avec cet outil. Ça n’a pas été simple. Déjà la personne qui nous a guidés ne voulait pas vraiment qu’on fasse des photos… Ensuite il fallait que les sujets soient ok. Et puis la lumière !! Que des néons ! Bref, j’étais au F2 constant, au 1/30e, il fallait que je sois stable et avec une unique pelloche ! Il fallait donc réfléchir absolument à ce que je faisais.

Quel est ton rapport à l’argentique ?
Mon rêve c’est d’être né 30 ans plus tôt et de partir en reportage avec un argentique. Avec le numérique on se coupe du sujet : on est constamment en train de regarder son écran, on est pressés parce qu’on doit envoyer les photos sous 48 heures, on retravaille tout le temps sur son ordinateur. Bref, c’est usant. Avec l‘argentique quand on prend une photo, on l’oublie, on n’est pas tout le temps en train d’y penser. Du coup on s’intéresse beaucoup plus au sujet. Si ne je pouvais faire que de l’argentique, je serais heureux ! On me dira « oui mais tu vas galérer, oui mais tu risques de perdre les pelloches, il y a des problèmes avec l’humidité »… ok, mais moi j’aimerais bien retourner à cette époque… Là en Birmanie je n’ai fait que quelques photos, mais je me suis éclaté. En numérique on apprend plus vite, mais l’argentique c’est le top… Avec le numérique, les photographes mitraillent et je trouve ça dommage. Même les anciens photographes qui y allaient doucement à l’époque, je peux te dire aujourd’hui qu’ils multiplient les shoots. Peut-être que Cartier Bresson aurait fait ça aussi. Kozyref il a des cartes de 128 gigas dans son appareil ! Tu vois avec mon numérique, j’aurais fait 150 photos là où j’en fais 4/5 en argentique.

Comment as-tu vécu ton rapide passage en Birmanie ?
Je suis tellement habitué aux pays arabes… Mais les rues d’Alep, en temps de guerre, c’est dégueulasse. L’Asie, c’est différent. La lumière est chaude. Les murs, les matières… C’est fort. Et à côté de ça, les gens sont aussi plus durs à aborder, ce qui fait que le travail est très différent. Ça donne envie de creuser encore plus. J’y retournerai.

Do you consider yourself as a photojournalist?
I consider myself first and foremost as a photographer. I went to journalism for the love of photography. For me, framing and the image come first. My approach is one of a photographer more than of a journalist. I am, of course, interested by geopolitics and history but photography interested me first. I was raised in an environment where we talked about history and travels. I grew up in there, where there is humanity. I love people, more than stories.

Is photography evident in journalism?
For a good writer I do not think so. However, for me, it gives me legitimacy to go to Syria for instance. With a camera I have a good reason to be there. To give a face to what we can hear about what is happening over there. To show how people can make it. To become accepted as a part of it… It is a tough job but it is what makes it interesting.

And thus, isn’t the camera getting in the way?
To take a picture is to take something from someone. Usually people do not like their picture to be taken. Sometimes I have the feeling I am a bird of prey. To tell you the truth it bothers me at times.

One can imagine that equipment can impact the subject?
Yes, according to the the camera of course, holding some SLRs feels like holding a rifle. My grandfather gave me a few shooting lessons as a kid, when one uses some cameras it is almost the same position. You can guess the issue. With a large format camera one is forced to discuss with the photographed person, to be in agreement. With a smaller and quieter camera, the approach is different. As a matter of fact one can move a lot, it is very important for me because I always bend in from of my subject. All that is a matter of different approaches.

Would you prefer to work more on the photography process than photo journalism?
Yes. I would like to work with large format cameras. I love the size. However, I do not know if I would feel confident in using it. I usually like to be forgotten by people when taking a picture so to be in the midst of a crowd with a large format camera… It is like street theatre. I am not sure to be well organized in the long term future at the moment. I am more at ease with an inconspicuous camera and my instinct. But time will tell…

Can you give us examples of photojournalism works or photographers that you like or that inspired you?
One day I got in my hands the RSF (Reporters Without Borders) publications. They just released the one with 100 pictures from the Magnum agency. That was quite the shock… Koudelka and the Spring of Prag, that also made an impression on me. But I also really like Marc Riboud, Natchwey. Eugene Smith. Larry Burrows… Also Odermatt and Fujimoto…

How important is framing for you?
There are two types of photographers who go in the field. Some will just bring pieces of information. And some will consider themselves as photographer above all. So masses, composition, all that is framing and I do think that this is all there is… Of course there are bases but one needs to know how to go around them. That is what I try to do for my work. And then, after framing, it is especially a matter of light. Light is what interests me most… Its direction, where it comes from. For instance I really study Caravaggio, I find it amazing.

What is your opinion on aestheticisation?
What is impacting on us when we watch a movie? Music is there to help a scene or a sequence. We think they are more aesthetic, that they making more of an impression. With an image it is about the same. When they are postprocessed, more aesthetic, we recognise them, they are more interesting.
Think about Iwo Jima’s photograph for instance. We remember it because it is just very well done. Framing, that is what is essential. When one is in a war situation one does what one can, one takes the picture that one can. But in other types of work, we need to go and really work for the images.

Tell us about the context in which you went to Burma.
We went to Burma in april 2013 to report of AIDS victims. We photographed, amongst other things, MSF (mécecins sans frontières) operated clinics. In Rangoon. Some have tuberculosis. I was very uncomfortable getting in there with my Nikon D4, a very bulky thing, not very discreet… So I took the M7 with film, to do a more personal type of work. A priori unpublishable. It was a topic different from war, with people who do not want to be seen. So I went to the clinic with this tool. It was not easy. First of all the people who guided us did not really wanted us to take pictures… Then the subjects needed to be ok. And then the light! Only neonlight! So, I was using f/2 constantly, at 1/30th of a second. I needed to be stable, and with only one film! I really had to think hard about what I was doing.

What is your relationship to film photography?
My dream is to be born 30 years earlier and to go work in reportage with a film camera. With digital cameras we cut ourselves from the subject: we are constantly looking at our little screens, we are in rush because we have to send the pictures within the next 48 hours, we keep on postprocessing on the computer. In short, it is very tiring. With film, we take a picture and then forget about it, we are not constantly thinking about it. As a result we are much more interested in the subject. If I could only work with film I’d be happy! Yes, people will tell me: “you will have a rough time, you may lose films, there are humidity issues…” ok, but me, I’d like to get back to this era… There in Burma I only shot a few pictures but I had a blast. One can learn very fast using a digital camera but a film camera is the best thing ever… Digital photographers shoot like they would strafe and I think it is a shame. Even photographers from the past who were not shooting too much back then, I can tell you that now they really shoot a lot. Maybe Cartier-Bresson would have done the same. Kozyref has 128G SDcards in his camera! You see, with my digital camera I would have shot 150 pictures when I shot 4 or 5 with the film one.

How did you feel about your very short trip in Burma?
I am so used to arabic countries… but Alep’s streets during the war, it is very disgusting. Asia is different. The light is very warm. Walls, textures… It is very strong. Besides, people are also harder to connect with which makes for a very different kind of work. It triggers a will to dig deeper. I’ll go back there.