“Lost Places 2” exhibition by Arnaud Thurel.
This new exhibition follows the one published in 2010.
Cette série fait suite à l’exposition “Lost Places” qui avait été présentée voilà 2 ans. Elle présente de nouvelles photos, où des personnes photographiées donnent une nouvelle image de ces lieux. Cette exposition est le prolongement de l’expo présentée du 7 au 18 février 2013 à l’Espace Paul Jargot, à Crolles. Ci-contre un texte de Yannick Vigouroux
This series is the sequel of the “Lost Places” exhibition that was presented two years ago. Having waved in many abandoned places, I ended up with this new material, this time focusing on people I met in these areas. Beside is a text written by Yannick Vigouroux, sociologist and photography historian, about my work.
Des images de friches industrielles se délabrant, devenues inutiles, révélant leurs entrailles métalliques. Et pourtant, loin de la cadence bien réglée de sa productivité passée, l’usine inactive serait semble-t-il devenue une autre forme de matrice. Car ces espaces que l’on pourrait imaginer déserts, sont en réalité physiquement et symboliquement à nouveau habités, mais autrement. Ces vestiges dérisoires d’un temps révolu évoquent parfois la physionomie inquiétante de cétacés ou pachydermes (ici de briques, de béton et ferraille), couchés sur le flanc, mortellement blessés et échoués… Les innombrables trouées, béances, de ces bâtiments font songer aux ouvertures des appareils photo, en particulier celles de ces camera obscura que sont les sténopés, boîtiers dépourvus d’optiques. C’est justement ce qu’utilise Arnaud Thurel, en l’occurrence un Holga sténopé panoramique. La lente exposition des négatifs fait écho à la lente dégradation des lieux.
Il règne une atmosphère qui relève de cette mythologie forgée par la science-fiction et les courants artistiques dits « alternatifs ». Au milieu de ces ruines, notre relation à l’espace et au temps est inhabituelle, le temps semble s’étirer à l’infini, comme ces bâtiments vacants. Tout aussi inhabituelle est la relation qu’implique, en particulier à la temporalité, l’utilisation d’un sténopé – Gábor Osz – par exemple, investissant les blockhaus du Mur de l’Atlantique transformés en chambre de prise de vue, expose parfois plus de 6 heures ses négatifs ! Et l’on imagine bien les usines d’Arnaud Thurel se transformer aussi en immense boîtes de vision…
Le format panoramique convient bien aux dimensions des usines et n’est pas sans rappeler celui du Cinémascope : n’est-on pas en présence de que Bernard Plossu aime nommer son « cinéma fixe », un cinéma subjectif bien sûr, où tant de fictions semblent possibles ?
Des hommes squattent les lieux, ou plutôt « non-lieux », pour reprendre l’expression de Marc Augé, leurs chiens aussi, présences légèrement tremblées. Les sténopistes n’enregistrent jamais d’ « instants décisifs » mais des durées « non décisives », l’écoulement plus ou moins long du temps, d’où ce sentiment de fluidité étrange. L’appareil est souvent posé sur le sol, ce qui bouleverse aussi nos repères : le point de vue adopté s’apparente plus à celui des chiens omniprésents, qu’à celui d’un humain qui a l’habitude de viser à hauteur de ses yeux. Espaces a priori sans qualité, ces ruines postindustrielles, telles qu’elles sont photographiées, sont en fait les lieux d’un profond questionnement anthropologique, d’une remise en question des plus radicales de notre rapport au monde, et des modalités de son enregistrement.
Images of industrial wasteland in the process of degradation, of becoming useless, letting their metallic guts to be openly seen. However, far from the clock-work mechanism of the production of its prime, an abandoned factory seems to have become another form of matrix. Indeed these spaces which we may think deserted are in reality physically and symbolically inhabited, albeit in a different way. These derisory relics of a bygone era sometimes evoke the disturbing appearance of cetaceans or pachyderms (here made out of bricks, concrete slabs and scrap metal), lying on their side, lethaly injured and beached … The countless gaping holes of these buildings are reminiscent of cameras’ apertures, especially those of the camera obscura, the pinhole cameras, camera bodies without a lense. Arnaud Thurel worked with such an artefact, in this particular case a panoramic pinhole Holga. The slow exposure of the negatives echoes the slow deterioration of the premises.
The resulting atmosphere falls within the mythology coined by science fiction and so-called “alternative” artistic movements. Amidst these ruins, our relationship to space and time becomes unusual, time seems to stretch on forever, mirroring these vacant buildings. Equally unusual is the relationship implied by the use of the pinhole, especially temporality —Gábor Osz— for instance, taking over bunkers of the Atlantic Wall, transforming them into camera obscuras, sometimes exposing his negatives for more than 6 hours! And one can imagine Arnaud Thurel’s abandoned factories also becoming gigantic projection boxes …
The panoramic ratio is particularly well suited to the size of the factories and is reminiscent of Cinemascope. Are we not amongst what Bernard Plossu likes to call his “fixed film”, a subjective cinematograpy, of course, where so many fictions seem possible?
Human beings squat these places, or rather these “non-places” using Marc Augé’s terminology. Their dogs too, a slightly trembling presence. Pinhole photographers never record Cartier-Bresson’s “decisive moment” but “un-decisive” durations, more or less long time flow, hence these strange feeling of fluidity. The pinhole camera often sits on the floor, which also disrupts our points of reference. The adopted perspective is more akin to that of the ubiquitous dogs than that of a man, used to frame at eye level. Spaces without an a priori quality, these post-industrial ruins, as photographed here, in fact trigger a deep anthropological questioning, a most radical questioning of our relationship to the world, and to the terms of its recording.